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Méli-Mélo Gastronomique
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22 novembre 2006

Le Bulli de Mike Tommasi (II)

bulli


Je reviens donc sur le compte rendu de Mike concernant son expérience chez El Bulli. Je vais essayer, maladroitement sans doute, de synthétiser mes sentiments à la lecture de son texte même si ça n’est pas évidemment tellement le sujet est vaste.

Pour commencer disons que je peux rejoindre Mike sur certains points.

Un des reproches que l’on peut faire à Adriá, surtout depuis 4-5 ans, c’est effectivement de mettre trop en avant ses découvertes, au détriment, non pas du produit, mais à mon sens d’un plaisir plus purement gastronomique. J’ai l’impression d’avoir affaire à une sorte de bing bang gastronomique, qui n’en demeure pas moins passionnant. Ces apports d’Adriá, cette philosophie, on les retrouve, de manière beaucoup plus « civilisée », digérée, interprétée, chez des chef comme Martin Berasategui à Lasarte ou les frères Roca à Gérone, et même maintenant chez certains en France. Ca n’est évidemment qu’une opinion personnelle. Sans doute ces chefs, si on leur posait la question, déclareraient ne pas être influencés par Adriá mais faire leur propre cuisine, suivre leur propre inspiration. Mais il s’agit là d’un autre débat.

Je ne crois pas qu’Adriá se repose sur ses lauriers Mike. Je penche plutôt pour une radicalisation de sa démarche qui rend parfois sa cuisine moins lisible ou alors trop extrême. Ca n’est pas le restaurant où j’ai le mieux mangé, mais incontestablement c’est le chef qui me surprend le plus, m’étonne le plus. A peine fini un plat je me demande : « mais que va-t-il bien pouvoir nous inventer maintenant ? » Je ne me lasse pas et je suis vraiment avide de suivre son évolution.

Mike avance que « la notion de terroir est étrangement absente chez El Bulli ».

Il est exact qu’après des débuts très marqués par la Méditerrannée le Bulli s’est ensuite orienté vers « autre chose ». Je ne considère cependant pas ceci comme étant quelque chose de forcément négatif. Nous sommes ici dans une démarche «extraordinaire» au sens littéral du terme, un chef hors normes. Ca ne me gêne pas, puisque j’y trouve mon compte et même souvent mon plaisir.

A l’inverse, je rejoins tout à fait Mike sur les desserts. Il y a effectivement au fils des ans un véritable désir de ne plus réellement proposer de sucré, de finalement déstructurer l’intégralité du repas. Je le regrette fortement car bien qu’étant plus gourmand de salé que de sucré c’est souvent, à mon goût, chez ces grands chefs que les desserts touchent au sublime.

Concernant le côté mou des mets qui sont proposés, j’aurai du mal à te contredire Mike. Sauf que moi ça ne m’a jamais perturbé. Nous n’y avons d’ailleurs jamais prêté attention avant de t’avoir lu. J’ai mangé deux fois à Cala Montjoi et une fois à Séville, chaque fois avec des personnes différentes. Jamais nous n’avons éprouvé le besoin de grignoter du pain.

Dans ton CR tu dénonce de nombreuses bizarreries technologiques et l’utilisation abusive du Paco Jet. Là en revanche tu es systématiquement dans l’erreur.

Les bulles ne sont pas faites en gélatine. Concernant la « sphérification » des liquides, nous sommes au cœur de la gastronomie moléculaire dont le pape est Hervé This. Un Français donc, et principal acolyte d’un certain Pierre Gagnaire. Il s’agit de préparer un appareil liquide et de lui adjoindre de l’alginate et ensuite de tremper ce liquide dans un bain à base d’eau et de chlorure de calcium. L’utilisation de ces produits est, elle, très récente (2003 – 2004 ?) C’est comme ça qu’il fait le caviar de melon que  tu as apprécié.

Les mousses en revanche sortent d’un simple et basique siphon à chantilly. Je suis d’ailleurs en train de préparer un post sur ce sujet. Le siphon, tu en conviendra n’est pas une bizarrerie technologique mais un instrument qui était tombé en désuétude et qui a été, à mon sens, génialement détourné, réinventé. La première mousse, salée, doit dater de 1994.

D’ailleurs depuis 1994-95 l’utilisation de la gélatine et les mousses est très présente ça n’est pas nouveau. Aurais-tu aimé sa cuisine en 1996 ou 1997 ? Je n’en suis pas certain.

Pour l’air carotte, il n’y a pas plus de Pacojet que de siphon. Plus simple et plus minimaliste que ça tu meurs. Il s’agit uniquement d’un jus de carotte obtenu à la centrifugeuse puis émulsionné très fortement avec un mixeur. Il n’y a la rien de chimique, rien de technologique. Evidemment ça ne fait pas un repas ! mais j’ai été subjugué par ce truc, maintenant utilisé pour agrémenter des plats plus complexes. Contrairement à toi je goûte particulièrement le fait que des ingrédients basiques soient vraiment mis en valeur par l’imagination du chef. Ca  me ravi et j’en redemande. Les goûts et les couleurs…

Quant au Pacojet il ne faut pas non plus le diaboliser. C’est uniquement un appareil qui permet de turbiner une glace pour la rendre « suave » et malléable au moment du service lorsqu’elle sort congélateur. Le pacojet ne fait rien d’extraordinaire. C’est pas Iter !

La cuisine d’Adria est souvent faite d’un minimalisme assez déroutant qui peut côtoyer des préparations d’une rare complexité. Quant au reproche que lui font certains de faire plus de la chimie que de la cuisine (ce qui ne veut pas dire grand  chose) ils ne se sont probablement jamais sérieusement penché sur le travail d’Adriá.

Tu parles également d’oreille de lapin craquante et avance : « maintenant je suis sur que l’on se moque du client, en lui servant du cartilage. Horrible ».

Peut être s’agit-il là d’un clin d’œil au terroir ! Ou plus certainement un clin d’œil à un élément incontournable des tapas espagnoles : les oreilles de cochon. Eh oui Mike ! le cartilage de cochon fait partie intégrante de la culture gastronomique Ibérique, et ce depuis des lustres (sourire). J’adore ça et je ne suis pas le seul !

Pour terminer ma bafouille (c’est compliqué finalement de te répondre !) je peux comprendre que tu n’ai pas accroché. Pour l’anecdote j’y avais envoyé mes parents… bien avant la médiatisation du truc. A l’époque on pouvait y réserver le matin pour 13H. Ca devait être en 98. Eh bien ils en étaient revenus scandalisés… déjà !!

Personnellement je me dois de te confesser que je reste fasciné tant par le personnage que par ce qu’il nous propose. La première fois, nous nous sommes retrouvé avec lui en cuisine, sans qu’il ne nous connaisse, à discuter tranquillement… il était 4 heures du matin… il était souriant ne se prenait pas la tête et était déjà célèbre. Je ne sais pas si beaucoup de grands chef Français accepteraient de papoter à 4 heures du mat pour t’expliquer comment ils ont détourné un siphon à chantilly !

Adriá parfois provoque -ça doit être sa catalinité ça- mais à mon sens ne triche pas. La totalité de ses recettes sont disponibles et consultables ce qui permet de se rendre compte précisément de son travail, de le comprendre. Je ne pense pas qu’on puisse lui reprocher de tomber dans la facilité bien au contraire. Maintenant que son évolution te convienne ou pas est un autre problème.

C’est pour cette raison qu’il est très intéressant de manger à Sanlucar la Mayor à côté de Séville à l’hacienda Benazuza, car on y goûte à la fois les anciennes recettes et les nouvelles.

Est-il le meilleurs chef du Monde ? Ca c’est de la masturbation de journalistes à laquelle je ne trouve aucun intérêt. C’est le plus médiatisé, c’est  certain, et c’est bien dommage.

Allez Mike ! Si tu le veux bien nous continuerons cette discussion autour d’un verre, avec notre ami le gitan !

PS – Je  ne suis pas cuisinier. Mais j’utilise à la maison certains apports de Ferran Adriá. J’y reviendrai plus longuement dans ce blog en présentant certaines recettes. Ceci étant je n’en fais pas une exclusive et continue de saliver pour un gigot de 7 heures, un poulet aux écrevisses ou une daurade au sel agrémentée d’un simple filet d’huile d’olive.

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Commentaires
B
Ah ben zut alors... désolé ! C'est sur qu'en recevant la notificatoni email c'est difficile de faire lien ... :-) Je vous laisse alors :-)
Y
lol!.
Y
bien évidemment c'est à Frédérique que mon message était adressé, elle semblait avoir besoin d'une cellule de soutien psychologique après une cataclysme adrianesque. Alors que tu semblais vouloir lancer une querelle byzantine sur le "génie", le sexe des anges, plus ceci moins cela, elle, mais souvent les femmes ont cette qualité, nous balance le roi est nu et il nous sert de la merde, c'est sûr c'est moins subtil que tes trois pages!
B
... mais j'ai pas souci avec la vie moi :-) En tout cas pas au point de vouloir me réconcilier avec elle :-DDDD<br /> En tout cas merci Yves de nous indiquer le chemin ! Merci de ta lumière et de ton esprit.
Y
si vous voulez vous réconcilier avec la vie allez manger chez Nadia Santini et vous verrez ce que c'est que manger chez une femme intelligente et chez une grande cuisinère!. Adria est à la cuisine ce que Ségolène est au socialisme!. Je ne suis jamais allé chez lui mais j'ai toujours pensé que c'était un bouffon surcoté! une créature médiatique!. ça existe j'en connais un sur la côte nord de la Bretagne!.
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