Planète Marx
L’ouvrage «planète Marx» consacré au cuisinier de Cordeillan Bages est un peu l’antithèse du «comme un chef» dont je vous ai parlé la semaine dernière. Etant donné l’éloge que j’ai pu faire du précédent n’allez pas pour autant en conclure qu’il s’agisse là d’une critique négative, de la dénonciation d’un trou noir, d’une antimatière gastronomique ou littéraire. Rien de tout ça, bien au contraire. La galaxie Marx brille de mille feux mais ses planètes, ou plutôt ses recettes nous seront très difficilement accessibles. Ca n’est pas grave en fait. Ce superbe objet ne se veut pas un guide didactique et technique mais la présentation d’un chef, de sa cuisine, de son univers et donc de ses recettes. Et bien que celles-ci y soient détaillées précisément le niveau de technicité requis rendra leur réalisation très aléatoire dans la cuisine de Monsieur tout le monde. Vous y rencontrerez beaucoup de cuissons à basse température, parfois sous vide, du siphon, du pacojet. On y sphérifie et déconstruit beaucoup, on y fait preuve d’une méticulosité et d’un savoir faire de haut vol. On y devine une recherche permanente sur les textures, l'esthétique des plats.
Par contre la lecture de l’ouvrage permet de se faire une idée assez précise de la philosophie de ce chef, d’appréhender sa démarche et commencer à comprendre sa cuisine. Et c’est bien à ce stade que ca devient intéressant, passionnant même. Thierry Marx a confié à un couple d’amis qui a dîné chez lui au printemps dernier les liens et l’estime qu’il porte à des chefs comme Ferran Adriá ou Martin Berrasategui. Il confirme ici, et sans ambigüité, la mouvance culinaire dans laquelle il s’inscrit. Bien qu'’il conteste l’idée même de faire partie d’une quelconque école ou mouvement, préférant mettre en avant sa propre créativité il n'est pas difficile de deviner ici quelques influances. Et si les recettes ne me paraissent guère reproductibles on y trouvera quelques idées à piquer, comme cette pizza déstructurée où la garniture habituelle (tomates, ail, oignon, basilic, origan, parmesan et romarin) sort du siphon pour aller se loger dans un cylindre de pâte croustillante.
Voila donc l’occasion de revenir sur ce que je répondais à Mike Tommasi à propos du Bulli et son influence sur une certaine gastronomie actuelle. Thierry Marx utilise par exemple beaucoup le siphon, mais il le met à sa sauce, va au delà de ce qui a été inventé à Roses. Il y ajoute sa personnalité, et sans doute un côté plus lisible, plus gourmand. On quitte un peu le bing bang gastronomique de la cala montjoi pour débarquer dans un univers tout aussi remuant mais plus abouti, moins conceptuel et plus naturellement gourmand. C’est en tout cas le sentiment que j’en ai eu à lecture de l’ouvrage. Il ne me reste plus qu’à faire les 500 y picos kilomètres qui me séparent de Cordeillan Bages pour m’en rendre compte par moi-même.
Editeur : Minerva
Livre présenté dans boite cartonnée + livret sobre récapitulant les recettes.
Environ 220 pages. 28x28cm 130 euros.
ISBN 2830708873