Dictionnaire amoureux de la cuisine
Je n’ai jamais sérieusement songé réserver une table chez Alain Ducasse. Non pas que ça ne me dise rien, non que je doute de son excellence, mais il y a, avant cette cuisine, d’autres chefs que je souhaite découvrir. C’est juste que le personnage ne m’attire guère. Je ne saurais l’expliquer vraiment. Ca ne tient pas à grand-chose, une impression, sans doute erronée, née du visionnage de quelques émissions télé. Je me souviens d’un reportage où on le voyait déclamer sur un ton assez péremptoire qu’il n’était plus en cuisine, qu’il ne fallait pas que le client s’imagine que ce sont les chefs qui épluchent les pommes de terres, que son rôle n’est pas de faire un show en fin de service en faisant le tour des tables. A cet instant j’ai eu la désagréable sensation d’être pris pour un gogo. Je ne pense pas que les gastronomes qui fréquentent ce genre de table soient assez naïf pour s’imaginer un Ducasse, un Gagnaire, un Troisgros, et j’en passe, en train d’éplucher les légumes. De la même manière que je n’imagine pas un pilote de ligne s'occuper lui-même du chargement de la soute, du niveau d’huile de son coucou, ou de la distribution des soda. Cela ne m’empêche pas pour autant l’imaginer aux commandes de son avion. Ca a même tendance à me rassurer, figurez-vous, de le savoir aux commandes. Ceci étant, je ne doute pas que Ducasse soit assez talentueux, pragmatique et prévenant pour être capable de confier les commandes à un non moins talentueux second et que ses repas, avec ou sans sa présence, ne souffrent la moindre approximation. Non, c’est simplement une impression peu sympathique qui émane du bonhomme et qui me le rend froid et distant. Peut être aussi le sentiment qu’il est maintenant plus un homme d’affaires qu’un cuisinier. A la limite je trouve Marc Veyrat plus attrayant, malgré tout le mal que j’ai pu en entendre, en lire, même si son chapeau a le don de m’irriter et même si je sais qu’il a licencié sa lingère «après 19 années de bons et loyaux services payée 885 euros net par mois alors qu’elle travaillait 67H30 par semaine en moyenne en étant payée pour 43 heures...»
Tout ça pour vous dire que lorsque Plon a publié le Dictionnaire Amoureux de la cuisine écrit par ledit Ducasse je ne me suis pas précipité. C’est au hasard d’une flânerie à la Fnac que je l’ai feuilleté. Et je dois bien avouer que je n’ai pas hésité longtemps. Déjà la quatrième de couverture donne le ton : «Les thèmes les plus chers à Alain Ducasse touchent à la Méditerranée et à son enracinement dans le Grand Sud, Pays Basque à la Riviera dont les produits occupent une place essentielle dans sa création culinaire». Un type dont la source d'inspiration est ainsi encrée dans notre bassin méditerranéen ne peut décidément pas être totalement mauvais ai-je pensé !
Ensuite, le parcourir a été la source d’un intérêt immédiat. Les entrées sont multiples, variées et l’on peut s’y promener au gré de ses envies, en choisissant au hasard ou en cherchant un thème précis. Prenez par exemple les asperges. On évoque les sauvages, celles que l’on ramasse au bord des vignes, on y apprend que cette étrange chose est une liliacée, de la même famille que le lis ou la tulipe, l’ail ou l’oignon. En tout cas je l’ignorai. On y trouve un peu de tout, l’évocation des chefs, de produits, de marques et que sais-je encore. La lecture de ce dictionnaire est très agréable. Je ne regrette franchement pas cet achat.