Samedi 15 août 2009. Direction la Clusaz pour huit jours de repos en famille, soit ma pomme, et mes trois femmes. Départ de Nîmes vers 8H30, direction Annecy. Tout se passe bien, route fréquentée mais sans encombre. Les bouchons sont pour ceux qui descendent. Arrivée à Annecy vers 11h30. Premier et unique embouteillage de la journée sur les bords du lac. Sans prévenir, se dresse devant nous le Cozna Vera, le Fast Food Bio du type au grand chapeau, sextuple étoilé Michelin.
Nous nous garons sans encombre sur le parking d’à côté et prenons la direction de la petite maison bleue. On y accède par une passerelle en bois débouchant sur une salle minuscule qui semble improvisée, voire pas finie. Il y a de tout, et partout. Rien ne semble vraiment organisé. La Caisse dans un coin, mais à côté de la caisse ça n’est plus la caisse, c’est un autre coin. D’un côté les sandwiches de l’autre les plats frais à réchauffer, présentés dans des bocaux. Dans un autre coin, autre chose. Un vrai bordel. Et au milieu de ce minuscule capharnaüm, il est là. Telle la statue du commandeur, son tablier noir impeccable, son immense chapeau ridicule, sa gueule coupée au couteau, Marc Veyrat ! Franchement, c’est une émotion de le voir ainsi. Six étoiles Michelin tout de même, à lui tout seul. Ca n'est pas tous les jours.
Du coup, oubliée l’histoire de la lingère licenciée, son caractère peu amène. Mais du coup, je n’ose ni le prendre en photo, ni lui demander comment est organisé son Fast Food bio. Il n’est pas si grand que ça finalement.
Lorsque nous arrivons il est en train de raconter à une dame, que ceci est son nouveau combat. Alors je me fais expliquer le fonctionnement par la caissière.
On choisit, on se sert, on pose tout ça sur un plateau vert, en fer, aussi improbable qu’inefficace et on passe en caisse.
Ah ! Une précision d’importance. Le fameux Burger n’est pas en rayon. Il faut le commander en caisse au moment de payer. Le Burger bio et ses frites bios, c’est LA star du fast food bio de Marc Veyrat… 9 euros le Burger. Soyons fous, trois Burgers.
Pendant que je bouscule et me fait bousculer dans ce minuscule enclave, Marc Veyrat s’explique virilement avec une dame qui veut savoir s’il y a du parmesan dans ce sandwich. Le chef hèle un employé et lui ordonne de modifier, sur le champ, l’étiquette du sandwich pour préciser la présence de parmesan. Bio le parmesan, bio.
J'opte pour une soupe froide du jardin, verte, avec une écume au siphon, verte aussi –qui seront excellentes- un Burger bio avec frites bio à neuf euros et une part de tarte au citron.
Après avoir bousculé et m’être fait bousculer je parvient à réunir la petite famille et nous finissons par passer en caisse. Résultat des courses 95,25 euros.
Après le trois étoiles le plus cher de France, voici le fast food le plus cher de France. Logique. Nous restons calmes, surtout moi. Pas de panique, c’est le premier jour des vacances. Inutile de s'ennerver.
Direction la salle du fond où sont réchauffés les plats et où est délivré le fameux Burger bio avec ses frites, bio. Et là, horreur, les plateaux, en plus d’être improbables deviennent subitement bien trop petits. Plusieurs voyages, entre la salle du fond et la terrasse, à l’autre bout, seront nécessaires avant de se trouver attablés avec nos repas complets.
Les filles décident de manger dehors, n’ayans pas vraiment pris la mesure de la chaleur qu'il y fait. Direction la terrasse… Nouvelle déconvenue. Les tables sont bien trop serrées pour autoriser que chacune d’elle se remplisse comme elle le devrait. Nous nous retrouvons dans en une sorte de quiconque anarchique ; presque en tête à tête avec la personne censée nous tourner le dos, comme sur ces canapés kitch ou les couples se regardent dans le blanc des yeux en buvant le champagne. Sauf que ça n’est pas une belle que je côtoie dans ce speed dating hasardeux, mais un vieux chnoc irascible.
Nous nous installons tant bien que mal et je retourne en courrant, transpirant, chercher les deux burgers manquant… Et là, une sorte de miracle. Marc Veyrat, qui a l’œil à tout, m’apostrophe, avec son accent aussi curieux que sont chapeau :
- Jvous ai piqué un Burger ! Pour la dmoiselle ! (Grand sourire)
- Ah… Je reste sans voix. Plaisantin va !
- L’autre Burger pour Monsieur ! Ordonne Veyrat au type en cuisine.
Le type en cuisine me sourit, crispé.
Au même moment, grand bruit de vaisselle cassée. Il faut dire que les plateaux, après le repas, doivent être déposés dans une tour, elle aussi improbable, dans la salle du fond. C'est-à-dire qu’avant de quitter les lieux il faut refaire le parcours du combattant depuis la première petite salle, où tout le monde se bouscule, jusqu’au fond du restaurant pour déposer son plateau. Je suis éberlué.
Et Marc Veyrat s’énerve…
- Allons ! Allons ! Que se passe-t-il avec ces plateaux ? Allez ! On me pose ces plateaux ! Là, oui, là … Oui, au plaisir de vous revoir messieurs dames ! Oui Madame, c’est mon nouveau combat !
Eh ben franchement, c’est pas gagné.
Je récupère finalement mes deux Burgers et retourne enfin m’attabler, en plein soleil. Ma tarte au citron commence à fondre, et mon Burger est difficile à manoeuvrer.
Manuela, elle, ne trouve pas d’ouvre bouteille pour son eau minérale gazeuse. Une fois mon Burger avalé, transpirant, épuisé, un poil énervé, je m’en retourne voir Marc Veyrat.
- Excusez moi Msieur. Les toilettes ?
Marc Veyrat pose sa main sur mon épaule, et d’un regard entendu, complice, me lance :
- En bas de la terrasse à droite, CHEF ! Il insiste sur le CHEF.
Putain... Marc Veyrat m’a touché… Et il m’a appelé CHEF !
Nous étions le dimanche 15 août 2009, sur les bords du lac d’Annecy. De toute façon j’étais mieux là qu’à la feria de Béziers. Mais entre ça et six étoiles Michelin, il doit bien y avoir une vie non ?