Hugo et la gastronomie moléculaire
Après les lumières de Mike sur Venise, celles d’un autre visiteur, Hugo, sur la gastronomie moléculaire cette fois ci. La aussi l’apport laissé en lien sur ce blog me paraissant particulièrement pertinent je le reprends ici, avec évidemment l’accord de son auteur. Merci Hugo.
En 1994, alors étudiant en création industrielle, j’ai rencontré Hervé This pour la rédaction de mon mémoire intitulé “Cuisiner : une alchimie de l’éveil”. Il n’était pas encore connu mais cette rencontre a été une des plus importantes de ma vie. Le travail de Mr This, c’est permettre de comprendre “Pourquoi ?” pour maîtriser “Comment ?”.À cette occasion, j’ai aussi découvert le travail, alors plutôt confidentiel, de Michel Bras. Cette autre rencontre fût tout aussi déterminante. La cuisine de Mr Bras entre en résonance avec un des propos les plus marquant des ouvrages d’Hervé This : en cuisine comme ailleurs sans intention, sans amour, la technique n’est rien. Hervé This ne fait que tenter d’expliquer des réactions. C’est au cuisinier, par l’attention qu’il porte à ce qu’il prépare, d’en faire un objet de dégustation. Libre à lui de cuire les œufs à 65° ou à 102° si c’est comme cela qu’il les veut. Quand on demande à Adriá Ferran quels sont les cuisiniers qui l’ont le plus marqué, parmi ceux là : Michel Bras.En fait, je suis assez d’accord avec sborgnanera sur l’importance de la démarche d’Hervé This. J’irai même plus loin en conseillant la lecture au plus grand nombre, quel qu’en soit le domaine professionnel. Par contre, pour avoir enseigné en Lycée hôtelier, cela doit impérativement être associé à transmission une grande culture culinaire - ce qui n’est malheureusement pas le cas, en plus des c… (Évoquées plus haut) professées en toute sérénité. Car c’est juste un outil, et pas une fin en soit. De même, la cuisine d’Adriá Ferran relève d’une démarche artistique globale. Loin de la posture anecdotique que quelques suivistes en mal d’inspiration. Pour finir, question goût personnel, après avoir essayé tous les produits de la gamme “Texturas”, je serai plutôt enclin à trouver ça… pas bon. La texture prend souvent le pas sur le goût. Ce qui, en fait, a tendance à uniformiser les sensations.
En conclusion, une petite citation :“Nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse et le plus de saveur possible “Roland Barthes.
Et Hugo de préciser :
Je m’aperçois à la relecture qu’il pourrait y avoir confusion sur ma vision du travail d’Adriá Ferran.
Pour ce que vaut mon avis, je crois qu’il joue le même rôle - d’une importance considérable, donc - qu’un Kandinski ou un Marcel Duchamps. Il défriche, il révèle, il donne à voir de nouvelles directions. Bien sûr, pour ceux qui suivent, il n’est pas toujours évident d’éviter quelques dérives. Lui, cela fait 30 ans qu’il y travaille. Difficile donc de s’en imprégner en quelques instants. Surtout si celui qui s’y essaie manque de repères.
Ceux qui utilisent le mieux les texturants, avec le plus de justesse et de finesse, sont aussi ceux dont la démarche est forte, déjà élaborée et nourrie d’autres mondes. Je pense à Pierre Gagnaire ou à Marc Veyrat, aussi Thierry Marx dans les plus jeunes. Ces produits servent leur créativité. Et pas le contraire…
Michel Bras ou Olivier Rollinger n’en ont pas besoin. Ils ont choisi une autre voie. Tout aussi riche, imprégnée d’autres inspirations. Mais certainement pas plus facile à suivre…